Revue Politique

Hugues Le Paige a consacré sa chronique image dans l’excellente revue POLITIQUE au livre « Classement diagonal »

« Mais pourquoi donc mettre « en forme des matériaux iconographiques et textuels liés au champ de bataille de Waterloo » sous le titre Classement diagonal, comme l’a fait l’artiste plasticien Bruno Goosse d’abord dans une installation[1.Présentée au BSP22, Musée d’Art de la Province de Hainaut à Charleroi en 2016] et ensuite dans un livre[2.Classement diagonal, La Lettre volée, Bruxelles, 2018, avec la collaboration de la graphiste Loraine Furter.] qui vient de paraître ? Peut-être d’abord pour une raison historique qui a un rapport au « classement » : le champ de bataille de Waterloo est le premier bien protégé – en 1914 – pour sa valeur patrimoniale en vertu d’une législation belge, et cela, donc, avant même la loi sur la conservation des monuments des sites (1931). Ensuite, peut-être, parce que Goosse, qui vit à Waterloo, connait bien le lieu et ses contradictions autant historiques qu’esthétiques. Enfin, parce que, dans sa démarche, l’artiste privilégie l’interrogation sur notre rapport au réel et à l’image à travers l’exploration de lieux et d’objets symboliques. Goosse avait déjà réalisé en 2011 un film subtil, Exit, qui tentait de capter ce qu’est une frontière notamment lorsqu’elle disparaît. Il avait auparavant, en 2006, réalisé une installation – Tirant d’air – qui questionnait un autre symbole fort, référent politique et culturel par excellence, le drapeau, à travers ses formes, ses codes et ses couleurs[3.On retrouvera les films et l’essentiel de l’œuvre de Bruno Goosse sur son site.]. Après le drapeau et la frontière, le champ de bataille s’imposait presque naturellement comme nouvelle terre d’exploration. Le « classement » est une des manières d’immobiliser le temps, dit-il.
À travers ses techniques et ses expressions multiples, ses matériaux divers, à travers la vidéo, les dessins, les plans, les documents, les photos, et bien sûr les textes, Goosse déconstruit cette immobilité et forge une narration qui englobe histoire et esthétique. Il articule des lieux et des fonctions : Waterloo, c’est le champ et la butte, mais aussi la plus grande concentration de terrains de golf en Belgique. Le golf, inventé par les Écossais et exporté par les Anglais, est une occupation du sol, une colonisation, note Goosse qui ajoute que le parcours de golf – sport de classe – combine pentes, tactiques militaires, camouflage et récit. La réplique populaire sera le mini-golf, 18 trous en béton, mais aujourd’hui à l’abandon. Il est d’autres correspondances surprenantes dans ce récit protéiforme.

En guise de présentation – en 4e de couverture – l’auteur publie une note « à l’attention des libraires » à propos de son livre d’artiste : « Il sera idéalement classé dans la section consacrée aux livres d’Art. Comme il se réfère à un site protégé, cet ouvrage pourrait également être rangé dans la bibliothèque consacrée au Patrimoine. Et puisqu’il utilise des archives et des faits historiques, sa place sur la table des livres d’Histoire serait admissible. D’une manière plus oblique, qu’il évoque golf et mini-golf pourrait même le porter sur la table Sports et Loisirs. Mais l’activation de récits enfouis convoquant des faits fort divers et l’importance donnée au rapport entre les choses pourrait conduite à le placer entre chacun de ces lieux possibles : sans socle ni piédestal, posé à même le sol. » Tel est l’esprit à la fois déconcertant et stimulant de ce Classement diagonal. »

HUGUES LE PAIGE


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